Un palais Renaissance et classique en Provence

Au cœur de la Drôme provençale, dominant plaines et montagnes, le Château de Grignan est bâti sur un promontoire rocheux surplombant le village. Témoin de l’architecture Renaissance et du classicisme français, l’édifice a connu une histoire mouvementée.

Château fort mentionné dès le 11e siècle, il est transformé à la Renaissance en une prestigieuse demeure de plaisance par la famille des Adhémar. Au 17e siècle, la marquise de Sévigné y séjourne auprès de sa fille Françoise-Marguerite. Démantelé à la Révolution puis reconstruit au début du 20e siècle, il appartient depuis 1979 au Département de la Drôme qui poursuit un programme ambitieux de restaurations et d’acquisitions. Classé Monument historique en 1993 et labellisé Musée de France, le Château de Grignan offre aux visiteurs de précieux témoignages sur l’art de vivre à différentes époques.

Ce lieu enchanteur propose également une programmation culturelle tout au long de l’année, autour du théâtre, de concerts, de soirées thématiques autour du terroir…

La forteresse médiévale


Au 11e siècle, les premiers aménagements défensifs sont réalisés sur le site d’un ancien oppidum (habitat primitif fortifié). A partir du 12e siècle, la puissante famille des Adhémar de Monteil est propriétaire de la seigneurie de Grignan. Elle agrandit le château et renforce son système défensif par un châtelet d’entrée et un pont-levis, deux tours semi-circulaires dont une accolée au donjon, une double enceinte et une solide poterne. De nouveaux aménagements sont réalisés : la reconstruction de la chapelle Saint-Romain (aujourd’hui disparue), le logis seigneurial et les espaces domestiques.

Le château Renaissance

Dès la fin du 15e siècle, la forteresse est transformée en château d’agrément par Gaucher Adhémar, baron de Grignan, qui fut échanson puis écuyer au service du roi Louis XI. Le château médiéval est épuré de son enceinte intérieure. Il fait doubler le corps de logis, construire la grande galerie d’apparat et créer une nouvelle entrée donnant sur la cour du puits qui devient alors la cour d’honneur. La galerie, dont la façade s’inspire du Petit Palais d’Avignon, témoigne de l’ambition du seigneur de Grignan. 

Son fils Louis Adhémar réalise les travaux les plus novateurs : la construction de la collégiale Saint-Sauveur, dont la couverture en terrasse recouvre le toit de l’édifice religieux. Une originalité architecturale qui nécessita rien moins que l’autorisation du Roi et du Pape ! Homme de confiance du roi François 1er, il accumule charges et hautes fonctions, dont celles d’ambassadeur auprès du pape à Rome et de gouverneur de Provence. Dernier baron de Grignan, il en sera le premier comte. Homme de la Renaissance, pleinement influencé par l’Italie, il fait reconstruire les façades de la cour du puits selon les principes architecturaux antiques, sous la direction du maître-maçon Antoine Soysson.

Blaise ADILON

Le palais classique

La transformation du château en un palais prestigieux se poursuit avec François de Castellane Adhémar. Avec le soutien financier de ses frères ecclésiastiques, il construit l’aile dite « des prélats », qui harmonise les différents corps de bâtiments antérieurs et accueille de nouveaux appartements.
La façade est inspirée du style de Jules Hardouin-Mansart, architecte du roi. 

Le comte de Grignan aménage une nouvelle entrée dans la façade sud et un prestigieux vestibule ouvrant sur la cour d’honneur actuelle. 

Son mariage en 1669 avec Françoise, fille de la marquise de Sévigné – qui deviendra la célèbre épistolière que l’on connaît -, scelle le destin du monument. L’incroyable correspondance qui naît de l’éloignement entre la mère et la fille est à l’origine de la célébrité posthume de la Marquise et, en partie, de la notoriété du lieu. 

En 1696, la marquise de Sévigné meurt au château de Grignan lors de son 3e séjour auprès de sa fille et son gendre. Son corps est inhumé dans la collégiale Saint-Sauveur.

Le château pillé et abandonné

A la Révolution, le château est confisqué et pillé.

En 1793, le mobilier, les archives, les décors et les menuiseries sont vendus aux enchères publiques ou détruits par le feu. L’année suivante, le démantèlement se poursuit avec la vente des tuiles et le probable démontage de la façade sud.

S’il échappe ensuite à la démolition complète, les ruines du château vont cependant être régulièrement pillées par les villageois, les amateurs et les commerçants d’art, les admirateurs de la marquise de Sévigné et autres visiteurs sentimentaux…

La fragile stabilisation de l’édifice

Léopold Faure, qui achète le château en 1838, s’attache à entretenir la mémoire des Adhémar et de Madame de Sévigné. Il recherche les meubles et les tableaux dispersés à la Révolution et constitue une vaste collection.

Soucieux d’assurer la préservation du patrimoine, il procède à des consolidations et couvertures provisoires mais n’envisage pas la reconstruction de l’édifice. Cette démarche s’inscrit dans un contexte de patrimonialisation et de protection des monuments en France. Il obtient en 1840 le premier classement du château.

La renaissance du château

Marie Fontaine achète le château en 1912. Sa fortune, héritée de son défunt mari Jules Fontaine, lui permet de reconstruire et de restaurer le château. Elle crée de nouveaux décors et aménagements intérieurs, en s’appuyant sur les traces historiques de l’illustre demeure des Adhémar. Marie Fontaine accorde cependant de belles fantaisies à l’historicité recherchée, en particulier dans le goût qu’elle porte aux tendances néo-gothiques. Elle fait réaliser les sept gargouilles de la façade sud-est de la galerie sur le thème des péchés capitaux.  

En 1979, les héritiers de Marie Fontaine vendent le château et une partie de son mobilier au Département de la Drôme. Le premier parcours muséographique basé sur les inventaires est ouvert au public dans les années 1980. Le château bénéficie de l’inscription puis du classement aux Monuments historique en 1987 et 1993, puis est labellisé Musée de France en 2002.

Emmanuel Georges

Le Musée et les collections aujourd’hui

Emmanuel Georges

Le château de Grignan, labellisé Musée de France en 2002, est un lieu unique dans la Drôme grâce à la qualité de ses collections et de ses décors. Œuvres et objets d’art garnissent les appartements et les salles de réception des trois niveaux de la grande demeure. Les ensembles décoratifs variés sont à l’image d’un lieu enrichi par l’apport des familles qui s’y sont succédé.Peintures et objets d’art décoratifs du 16e au 20e siècle, de production française et italienne, constituent l’essentiel des collections.

Les recherches récentes des historiens de l’art et des restaurateurs du patrimoine ont considérablement enrichi la connaissance de ces pièces. Elles redonnent le sens des contextes artistiques de leurs commandes et de leurs productions, tout en mettant en lumière l’originalité et la qualité de chacun des objets. Variations de matériaux et de formes, détails d’ornement, finesse de l’exécution, sources d’inspiration sont autant d’éléments qui ravissent l’œil averti ou néophyte. Originaux et copies anciennes se conjuguent ici.

Dans ce décor reconstitué d’après les inventaires des 16e, 17e et 18e siècles du château, le visiteur déambule au gré des couleurs, des images et des effets de matière. Lits, sièges, lustres, tapisseries, peintures, estampes, céramiques, cartels et autres éléments évoquent à l’intérieur ce que l’architecture reflète à l’extérieur : le goût du faste et l’élégance d’un art de vivre dans une bâtisse hors du commun.