La façade renaissance et la cours d’honneur

L’austère forteresse médiévale est transformée en château d’agrément dès la fin du 15e siècle par Gaucher Adhémar, baron de Grignan. Son fils Louis Adhémar, gouverneur de Provence, commande la majestueuse façade Renaissance, rythmée de fenêtres, de pilastres et de colonnes. C’est la première période phare du château : les Adhémar sont puissants en Provence et l’édifice devient l’un des plus beaux palais Renaissance du sud-est de la France. 

Deux siècles plus tard, le comte de Grignan, François de Castellane Adhémar de Monteil, lieutenant général du roi Louis XIV au gouvernement de Provence, fait bâtir une nouvelle entrée digne de ses fonctions : il perce une grande porte dans la façade sud, desservant la cour d’honneur. C’est la période du « château royal», qui voit naître la célèbre correspondance entre madame de Sévigné et sa fille Françoise, comtesse de Grignan
Démantelée à la Révolution française, la façade emblématique du château est restaurée par Marie Fontaine, la dernière grande dame de Grignan, propriétaire des lieux de 1912 à 1937

Blaise Adilon
Claire Matras

Le vestibule

Lors des travaux d’agrandissements et d’embellissement du château fin 17e, le comte François de Castellane Adhémar de Monteil fait aménager un vestibule ouvrant sur la nouvelle cour d’honneur, à l’emplacement d’un lieu réservé à la « lissive » (buanderie) et de l’ancienne cuisine. Il rivalise avec les plus belles entrées des hôtels particuliers d’Aix-en-Provence.  

A l’entresol se trouve l’office, vestige des dispositions médiévales. Cette pièce voûtée est placée entre les cuisines, où s’active un personnel nombreux, et les lieux où sont servis les repas.

L’antichambre

Cette grande salle du château de la Renaissance, située à l’étage noble, est placée au cœur de l’aile sud qu’elle distribue. Dès le 17e siècle, elle s’ouvre sur la façade principale et la cour d’honneur.

Elle sert d’antichambre commune aux deux appartements situés de part et d’autre, dont les pièces en enfilade suivent un ordre croissant vers l’intimité. Depuis l’antichambre, les hôtes gagnent la chambre puis le cabinet, espace privé. D’un côté (ouest) se trouve se trouve l’appartement restitué de Marie Fontaine, de l’autre (est) se déploie l’appartement qu’occupait la comtesse Françoise de Grignan au 17e

Blaise Adilon
Blaise Adilon

La chambre de Marie Fontaine

A l’acquisition du château en 1912, Marie Fontaine a le projet de relever des ruines l’illustre demeure des Adhémar. De 1912 à 1937, elle mène un chantier colossal de reconstruction et de restauration de l’édifice, inspirée par le faste du Grand Siècle et influencée par les goûts de son époque. 

Elle installe dans une aile du château ses appartements privés, composés d’un salon, d’une chambre et d’une salle de bain (aujourd’hui disparue). La chambre respire la société bourgeoise d’un appartement privé et campagnard, aux légers accents néo-classiques. Le papier peint à rayures à effet moiré a été posé dans les années 1920, selon les goûts de la propriétaire. Une corniche composée d’une guirlande de lierre ondulée ceint le plafond de cette chambre : les quatre angles sont ornés de flèches, carquois, trompe de chasse et autres nœuds issus du vocabulaire ornemental néo-classique. 

Le salon François 1er

Désireuse d’ancrer son château dans l’histoire des Adhémar et dans l’Histoire de France, Marie Fontaine décore les plafonds de ses salles de réception de peintures qui évoquent les grands hommes de Grignan et le prestige des rois. Elle nomme le salon « François Ier », en mémoire du passage du roi de France au château de Grignan en 1533. Elle fait orner le plafond de la salamandre, emblème du roi de la Renaissance française, et sculpter les portes du chiffre royal. Le chiffre du roi de France présente aussi l’intérêt, pour la dame de Grignan, d’être identique à l’initiale de son nom : quelle prestigieuse analogie !

Dans cette tour du 13e siècle dotée d’une porte-fenêtre et d’un élégant balcon à partir du 17e siècle, Marie Fontaine apprécie son œuvre baignée d’un paysage majestueux. Elle complète le décor intérieur d’ornements qui lui rappellent l’Italie qu’elle aime, tel le lustre en couronne à huit bras de lumières, qu’elle commande à Luciano Zalaffi, ferronnier d’art siennois.

Blaise Adilon
Blaise Adilon

La chambre de Madame

A l’étage noble, dans l’ancien donjon médiéval, cette chambre est le cœur de l’appartement de la comtesse Françoise de Grignan, fille de la marquise de Sévigné. Peu après son arrivée à Grignan, elle commande en novembre 1672 un inventaire domestique qui décrit pour sa chambre : « une tapisserie de tafetas bleu avec des rayes noires, un lict d’ange avec huit fauteuils et quatre chaires de même tafetas,  le rideau des fenestres de même tafetas ».

Cette chambre évoque le goût du 17e siècle pour le « meuble ». On choisit la même étoffe pour garnir l’ensemble du décor et du mobilier d’une pièce : les murs, les rideaux, les portières, le lit et les sièges. D’une saison à l’autre, le meuble peut varier et les étoffes légères de l’été laisser la place à des tissus plus épais pour la rigueur de l’hiver. 

La maîtresse de maison y reçoit une société d’hôtes choisis. Ceux-ci prennent place sur des sièges disposés autour du lit, dans un espace que l’on nomme « la ruelle ». On converse et chacun peut briller par son esprit. 

Le grand cabinet

A la suite de la chambre, le cabinet est la pièce la plus en retrait de l’appartement. Situé dans la tour sud-est du château, il est dédié à l’étude et à la prière. Un escalier reliait vraisemblablement la pièce à l’étage supérieur, jusqu’à ce que la façade dite « des Prélats » ne soit construite. L’appartement de la comtesse Françoise et celui réservé à Madame de Sévigné, lors de ses séjours à Grignan, pouvaient ainsi communiquer.

Le cabinet a aussi l’usage d’un cabinet de curiosités ou de peintures. Quatre portraits exécutées à la fin du règne de Louis XIV et au début du règne de Louis XV figurent la grâce de postures féminines et la prestance d’un modèle masculin. Les portraits sont présentés de trois-quarts, en costumes de cour aux riches étoffes : dentelles, velours, satins. Ils laissent à la postérité une image idéalisée de la noblesse de l’Ancien Régime. 

Les murs sont recouverts d’une brocatelle de fils cramoisis à motif de grenade sur fond doré, inspirée de l’inventaire historique du château de 1776.

Blaise Adilon

La salle du roi

L’ancienne « aula » médiévale, ou grande salle du 13e siècle, est le lieu de la vie publique et de l’exercice du pouvoir seigneurial des Adhémar de Grignan. Louis Adhémar y reçoit le roi François Ier et la cour de France en 1533, de retour de Marseille après le mariage du duc d’Orléans, futur Henri II, et de Catherine de Médicis. 

C’est à Marie Fontaine que l’on doit le parquet « à la Versailles », qui concourt à la dimension royale et fastueuse de la salle. Deux consoles romaines de la 1re moitié du 18e siècle, sculptées d’un riche répertoire décoratif, sont surmontées de grands miroirs flanqués d’appliques. Le piano carré de 1845 évoque l’omniprésence de la musique au château depuis le 17e siècle, où le comte François entretient une troupe de musiciens à demeure. 

Blaise Adilon

La chambre de Tournon

Cette chambre devient au 16e siècle la chambre de Tournon, en raison du mariage de Louis Adhémar de Monteil, baron puis premier comte de Grignan, avec Anne de Saint-Chamond, nièce du cardinal François de Tournon, conseiller du roi François Ier.

Au cœur de la façade principale de la cour du puits, elle est abritée des variations du climat. On peut y apprécier l’œuvre architecturale de Louis, la fraîcheur de la pièce et la douce lumière du soleil couchant.

Emmanuel Georges
Blaise Adilon

L’entrée renaissance

L’escalier, qui prend naissance à la base d’une tour carrée coiffée d’une coupole, est l’entrée principale du château à la Renaissance. Il s’inscrit dans le dispositif architectural novateur que Gaucher Adhémar bâtit entre 1495 et 1515 : l’entrée ouvre sur un escalier à volée droite qui distribue l’espace public de la grande salle, les appartements privés, la galerie et la chapelle du château (aujourd’hui disparue). 

L’escalier d’apparat est couvert d’une voûte d’ogives, d’influence encore gothique en ce tournant du 16e siècle. Proche de l’escalier de Jean de Louvre au Palais des Papes d’Avignon, il est paré de motifs à l’antique, candélabres et médaillons.

Gaucher Adhémar de Monteil, baron de Grignan, épouse la riche héritière Diane de Montfort. Au service du roi Louis XI, c’est lui qui initiera la transformation de l’austère forteresse de Grignan en château d’agrément.

La galerie

Gaucher Adhémar de Monteil, baron de Grignan, bâtit après 1495 une galerie selon la nouvelle mode introduite dans les châteaux français à la fin du 15e siècle. La façade, qui emprunte au répertoire architectural italien, a pour modèle le Petit Palais d’Avignon. La galerie est un lieu de réception dont les portraits honorent la famille royale, de grandes figures et des membres de la famille. Plus tard, au 17e siècle, elle sera le cadre de fêtes prestigieuses qu’organise le comte de Grignan.

Début 20e, Marie Fontaine restaure la galerie et la pare d’un décor de lambris de hauteur et de bancs en noyer sculpté. Elle en confie la création à l’ébéniste d’art siennois, Carlo Cambi. Luciano Zalaffi exécute les douze bras de lumière qui scandent les panneaux. Soucieuse de s’inscrire dans la lignée des grands bâtisseurs du château, la dame fait apposer ses armes aux côtés de celles des Castellane et des Adhémar de Monteil sur la hotte des cheminées.

Loic Julien

La cours du Puits

Pourvue d’un puits et d’une citerne en sous-sol, la cour haute du château est fermée depuis le Moyen Âge. Au tournant du 16e siècle, le baron Gaucher Adhémar de Monteil, puis son fils Louis, métamorphosent et embellissent durablement l’austère forteresse en château d’agrément. Avant que la grande façade méridionale ne soit commandée, la cour du puits reçoit trois nouvelles façades aux décors raffinés. Un air d’Italie souffle à Grignan.

La longue galerie de plain-pied, construite par Gaucher Adhémar, est percée de six fenêtres à meneaux. Elle est rythmée de gargouilles : il s’agissait à l’origine de chevaux marins que Marie Fontaine remplacera, au début du 20e siècle, par les sept péchés capitaux. Les deux autres façades reçoivent un décor plus riche, en partie inspirée par les voyages diplomatiques du baron Louis Adhémar de Monteil en France et en Italie pour représenter le roi François Ier.

Dans l’angle de la cour, la tour carrée est percée d’une porte, autrefois surmontée des armes du baron de Grignan. Cette tour belvédère coiffée d’une coupole est l’ancienne entrée du château.

Blaise Adilon

La terrasse

La vaste terrasse dallée du château, ouverte à 360° sur le paysage alentour, a la particularité de se trouver « sur le toit de Dieu » ! Elle « recouvre » littéralement une église, commandée par Louis Adhémar de Monteil sous le patronage du roi François Ier. Le principe est novateur au 16e siècle car il place le pouvoir temporel au-dessus du pouvoir spirituel. Il se double d’une prouesse architecturale : les voûtes de la collégiale doivent supporter la charge exceptionnelle d’une terrasse en pierre, sous laquelle sont dissimulées les toitures.

Loic Julien